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Porte ton sac, porte ta vie: Ultreia!
9 septembre 2010

Les petites « crottes » du Camino

 

Non, je ne vais pas parler « excréments » dans cet article… Les petites crottes désignent ici les micro-sacs de randonnée (2 ou 3 litres) portés par les paresseux du Camino de Santiago. Ils ne contiennent généralement qu’une petite bouteille d’eau, font la fierté de leur propriétaire et l’exaspération des autres pèlerins.

Sac_diosaz_Quechua_Ultralight_10L

Vous pouvez vous demander pourquoi il existe cette animosité de la part des pèlerins traditionnels envers ce genre de personnes… pour vous expliquer, je vais devoir élargir le sujet en vous décrivant un stéréotype bien connu: le « tourigrino ».Le tourigrino 

(tourista + perigrino) ne parcourra évidemment pas les chemins de Saint Jacques dans leur totalité car il juge cette petite randonnée sympathique sur une centaine de kilomètres mais au delà, il la considère une perte de temps et d’énergie. Il est jeune retraité et faire les chemins de Saint Jacques est un rêve de jeunesse. L’année jacquaire est l’occasion rêvée d’enfiler ses nouvelles baskets de marche (un bel oxymore) pour une semaine de folie sportive… Une semaine ? Et oui, le but ultime du tourigrino est de recevoir la fameuse Compostela, un diplôme délivré par l’Eglise pour les pèlerins qui ont parcouru au moins les 100 derniers kilomètres du pèlerinage à pied… et à une vitesse de 20 petits kilomètres par jour, le tourigrino arrivera frais et dispo à la ville sainte en 6 jours.

Pour réussir ce plan magistral, il partira donc de la ville de Saria et aura préparé son 

aventure avec méthode. Son équipement sera flambant neuf et à la pointe de la technologie:un tee-shirt moulant pour ces dames en tissu synthéticosportivoantitranspirant J avec un pantalon moulant noir de la même matière. Le couvre-chef sera une casquette de golf, celles qui n’ont qu’une visière et rien pour couvrir la tête (cherchez l’erreur). Ses chaussures seront d’autant plus ridicules qu’elles auront été achetées deux jours avant de partir, seront neuves et ne seront que de simples baskets faites pour les courtes marches (pour mieux comprendre ces sarcasmes, lire l’article sur les chaussures de marche… et comprenez mon aberration). Ces dames auront pensé à se rendre au salon de coiffure la veille du départ pour un magnifique brushing et partiront maquillées de frais chaque matin (là encore, cherchez l’erreur). Enfin, la cerise sur le gâteau, l’élément indispensable à la survie du tourigrino : les deux bâtons de marche nordique quechua qui marqueront le pas, histoire de faire « pro ».

En lisant le début de cet article, certains penseront surement que je m’attache trop à l’aspect matériel de la chose et que je ne laisse pas leur chance de s’en sortir à ces pauvres bougres, qui n’ont peu être pas la même expérience de la marche que les autres. D’autres diront que je n’applique pas la charité chrétienne qui devrait avoir cour dans un pèlerinage et d’autres encore souriront en se demandant si je n’exagère pas et si ce genre de personne existe réellement. Voilà pourquoi, je ne vais pas m’arrêter là et vais poursuivre l’analyse de cette nouvelle catégorie de pèlerins… Pourquoi et surtout comment ces gens arrivent-ils à exaspérer les plus sains et ouverts d’esprit ?

Tout d’abord pour des raisons pratiques. En effet, le tourigrino refuse l’effort et fais donc porter son sac d’étape en étape par des compagnies spécialisées dans le domaine (un business très lucratif soit dit en passant). Il se contentera de porter sa petite crotte et sa petite bouteille durant la journée (jusque là, tout va bien, chacun fait comme il veut). Mais là où nous pèlerins jetons les yeux au ciel est lorsque, ayant pris une longueur d’avance sur ceux qui portent leur gros sac, le tourigrino se livre à un habile exercice de transformisme dans le bar du village étape. Le taxi aura pris soin de ne pas déposer son sac dans l’albergue mais plutôt dans le bar le plus proche pour que le tourigrino puisse le récupérer en douce et arriver tel un martyr au refuge des pèlerins et se voir ainsi gratifier un lit pour la nuit. L’intérêt dans cette affaire est que les auberges ne possèdent qu’un nombre restreint de places et en Espagne, il règne la loi du « premier arrivé, premier servi ». Le tourigrino n’aura donc pas à se soucier de l’endroit où il devra poser son baluchon car, grâce à cet ingénieux stratagème, il aura vite fait de prendre la place de personnes plus méritantes. Où se trouve l’esprit du Camino ici ?

Ensuite, pour des raisons spirituelles. En effet, le tourigrino ne chemine pas dans un esprit de pèlerinage mais plutôt dans une optique de balade. Je ne blâmerai pas ce choix car nous avons chacun des raisons différentes qui nous poussent à partir vers Santiago. Ce qui en revanche me chagrine c’est le manque de respect d’une manière générale de ces personnes. Le tourigrino aime parler fort avec ses amis et marcher en groupe de 15… Pour les autres qui cherchent durant ce pèlerinage un peu de repos spirituel et de la tranquillité, ce brouhaha permanent aura le don de les agacer au plus haut point : on quitte l’agitation de la ville pour la cacophonie des retraités, quelle joie !

Enfin pour des raisons de politesse. Vous ne le savez peut-être pas mais sur les chemins, il existe une sorte de code de conduite entre pèlerins. La politesse est chose naturelle entre tous et le respect de l’autre est primordial : par exemple, on se dit bonjour même si l’on n’est pas obligé de marcher ensemble. Comprenez donc notre agacement à nous pèlerins lorsque les tourigrinos nous jugent trop « clodo » pour nous adresser la parole, nous snobent et tentent tout pour nous éviter. Ils n’aiment pas faire la queue et doivent toujours être servis les premiers, chose qui semblerait normal pour toute personne encore trop matérialiste et qui n’aurait pas encore eu le temps de passer par l’étape « épuration de l’esprit - spécial saint jacques ».  Ahhh, les tourigrinos, de véritables phénomènes !

 

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